« Comprendre le passé m’instruit sur l’aujourd’hui, m’oblige simplement à savoir qui je suis. Je mène sans répit une lutte pour chercher cette chose qui n’existe pas, mais dont nous avons tous tant besoin pour donner sens à notre existence: la vérité. »
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Rafael Chirbes, écrivain espagnol.
Pourquoi écrire sur soi?
Le « Connais-toi toi-même » d’Aristote est une des premières raisons.
Un retour dans le passé, une rétrospection et introspection en profondeur permettent une meilleure compréhension et connaissance du « moi » présent, du devenir.
L’écriture de soi a une dimension existentielle, voire philosophique: que suis-je devenu? Pourquoi suis-je devenu ainsi? Quels ont-été les évènements qui bouleversèrent mon être et mon existence?
Une autre raison est celle du plaisir de la réminiscence: en les consignant, on revit les moments de sa vie, on goûte aux charmes du « je me souviens » comme dirait Perec.
Par exemple, Rousseau dans Les Confessions se rappelle avec délice et volupté sa rencontre avec Madame de Warens.
L’écriture de soi peut également avoir une fonction thérapeutique ou encore cathartique. Beaucoup d’écrivains entreprennent une œuvre autobiographique en moment de crise. Ils se font leur propre psychanalyste et s’enfoncent au moyen de l’écriture dans les profondeurs et les abîmes de leur passé afin d’en faire surgir des vérités cachées et qui pourront permettre de « panser des plaies », d’exorciser de vieux démons.
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French Oral Bonjour, aujourd " hui je va is parler de la ma vie et moi. J'ai un fr? re et une s? ur. J'obtiens le long tr? s bien avec ma s? ur qu " elle est brillant e! J'ai plaisir l'? tude; mon sujet de favori? l'? cole est des maths et GNVQ IL. J'aime les deux sujets, comme je les compr ends tr? s bien. ? l'avenir je voudrais avoir un travail de bureau, li? au march? des actions. Apr? s que ...
Une des raisons pour lesquelles Saint-Augustin écrivit ses Confessions était d’expier ses fautes et péchés devant Dieu.
Selon le philosophe Paul Ricœur, le texte de l’écriture de soi est une quête de sens, en racontant ma vie, je pars à la recherche, je cherche le sens de ma vie, je m’explique à moi-même. Cette « méditation narrative » trace un sens à mon existence: je ne prétends pas restituer ce que fut ma vie, mais je découvre, en écrivant, la construction de mon cheminement et de mon moi, nécessairement problématiques.
Quelles sont les limites de l’écriture de soi?
L’écriture de soi implique obligatoirement un devoir de vérité. C’est justement la principale difficulté. Décider de ne pas mentir, est-ce pour autant « dire toute la vérité »? La mémoire est fragile et sélective, voire « oublieuse » comme disait Supervielle.
Confessera-t-on tout d’une existence? Que choisira-t-on, volontairement ou pas, de taire, ou de masquer, ou au contraire de souligner? Pourra-t-on, et osera-t-on tout dire de ce que Malraux appelait notre « misérable tas de secrets »? Les mots seront-ils fidèles à la complexité de ce qu’on a ressenti, et capables de transcrire ce qu’on voudrait communiquer? Autant questions qui fondent la complexité et la difficulté de l’écriture de soi.
I- Pourquoi parler de soi?
1) « Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme ce sera moi. »
C’est la seconde phrase de l’incipit des Confessions. Rousseau annonce clairement, sans ambigüité aucune, ses intentions en la matière, ce qui fonde son projet autobiographique: « montrer un homme dans toute la vérité de la nature ». On pourrait dire que là réside sa principale motivation d’écrire sur lui et sa vie, se montrer tel qu’il fut pour ensuite expliquer ce qu’il est et ce qu’il est devenu.
Philippe Lejeune, grand spécialiste de l’autobiographie en France, dans sa conférence « Rousseau et la révolution autobiographique » dit que Rousseau écrit son autobiographie pour « comprendre ce qui lui est arrivé, et ce qu’est une vie humaine ». En effet, il plonge dans les profondeurs de son passé afin de comprendre son présent, et ceci ne peut passet que par un devoir d’honnêteté et de vérité.
Le mot « vérité » dans la phrase est capital pour Rousseau et pour comprendre son dessein. Il marque une rupture considérable avec le genre autobiographique tel qu’il fut pratiqué par ses ancêtres (Lejeune parle dans son livre L’Autobiographie en France de « préhistoire de l’autobiographie »).
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Auteur Andr Gide Andr Gide est n en 1869 et il est mort en 1951. Il habitat Paris. Son pre est mort en 1880, quand Andr avait seulement onze ans. Il est du qu par sa mre et sa tante. Son premier livre de posi e est de 1892 et il sappelait "Les posies andr Walter." Plus tard dans sa vie il a dcouvri quil est un homosexual, mais malgre cela il est mari avec sa cousine en 1896. Dans les annes ...
Prenons l’exemple de Montaigne. Rousseau, dans un premier préambule de son livre dit que « Montaigne se peint ressemblant, mais de profil. Qui sait si quelque balafre à la joue ou un œil crevé, du côté qu’il nous cache, n’eût pas totalement changé sa physionomie ». Selon lui, la vérité de Montaigne est partielle et relative, il se dépeint avec une certaine complaisance et n’avoue que les défauts qui peuvent le rendre aimable.
C’est en cela que l’on peut parler de rupture avec Rousseau: il « signe un pacte de vérité » et promet de dévoiler toute la vérité, aussi peu avantageuse soit-elle, sur son être et sa vie.
Un aspect biographique de sa vie permet également d’expliquer la volonté de « se peindre dans « la vérité de la nature ». Il faut savoir qu’il se croit victime d’un complot qui serait orchestré par Diderot et Grimm. C’Est-ce sentiment d’être incompris, méconnu, jugé à tort qui le pousse à devoir se justifier devant ses semblables. Le devoir de vérité est indispensable pour que l’autobiographie ait toute sa valeur, son intérêt et crédibilité.
2) Saint-Augustin, « Histoire d’un larcin » in « La joie de nuire » in Confessions.
La motivation de Saint-Augustin à l’écriture de ses Confessions est toute autre que celle de Rousseau. Certes, le titre est le même, et Rousseau l’a ouvertement repris, mais son sens et les intentions de ces confessions différent.
Chez Saint-Augustin, il faut l’entendre dans le sens religieux. Son but premier n’est pas d’écrire pour comprendre ce qu’il est, qui il est et ce qui « lui est arrivé », mais de se confesser à Dieu, ou plus précisément de lui rendre compte des égarements dont a pu être sujette son âme pendant sa jeunesse, afin de souligner la faiblesse des hommes et de la nature humaine.
Ses confessions ont donc une portée plus universaliste que personnelle, puisqu’il ne se sert de son expérience que pour témoigner à Dieu du penchant naturel qu’a l’homme au péché, contrairement au « Moi » exalté et plus « désintéressé » de Rousseau.(une des raisons pour lesquelles Rousseau prend un tournant dans le genre autobiographique).
Ceci est parfaitement visible dans l’extrait « Histoire d’un larcin » dans lequel Saint-Augustin fait le récit de poires volées avec « une bande de jeunes vauriens ».
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KOPP Florence Promo 2004 ESCE RAPPORT DE STAGE 1'ere Ann " ee Sparkasse Saarbr " ucken Firmenkundensekreteriat Stage du 9 juillet au 31 ao^ut 2001 Neumarkt 17 Dur " ee 2 mois 66117 Saarbr " ucken Remerciements Je tiens tout d'abord 'a re mercier la Sparkasse Saarbr " ucken et son 'equipe de m'avoir permis de r'ealiser ma v'eritable premi " ere exp " erience professionnelle dans leur entreprise et ...
Son but est clairement de confesser ses péchés devant Dieu (bien qu’il soit omniscient…): « Voilà mon cœur, ô Dieu, voilà ce cœur que vous avez vu en pitié au fond de l’abîme. Le voilà ce cœur; qu’il vous dise ce qu’il allait chercher là, pour être ainsi mauvais gratuitement, sans aucune raison de l’être que sa malice elle-même ».
Saint-Augustin se sert de l’écriture pour livrer son « cœur », son âme à l’Etre suprême mais elle est également un moyen de se repentir, d’accéder au salut en quelque sorte, de délivrer son « âme souillée » des péchés de sa jeunesse. Il fait son auto-jugement et rend de manière prématurée des comptes à Dieu, avant le Jugement dernier.
II- Comment parler de soi?
1) Rousseau: épisode du peigne cassé (Livre premier)
« J’étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s’en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s’en prendre de ce dégât? personne autre que moi n’était entré dans la chambre. On m’interroge: je nie d’avoir touché le peigne.
M. et Mlle Lambercier se réunissent, m’exhortent, me pressent, me menacent; je persiste avec opiniâtreté; mais la conviction était trop forte, elle l’emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu’on m’eut trouvé tant d’audace à mentir. La chose fut prise au sérieux; elle méritait de l’être. La méchanceté, le mensonge, l’obstination, parurent également dignes de punition; mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu’elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d’un autre délit, non moins grave; nous fumes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eut voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n’aurait pu mieux s’y prendre. Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps.
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On ne put m’arracher l’aveu qu’on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux, je fus inébranlable. J’aurais souffert la mort, et j’y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d’un enfant, car on n’appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.
Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n’ai pas peur d’être aujourd’hui puni derechef pour le même fait. Eh bien, je déclare à la face du Ciel que j’en étais innocent, que je n’avais ni cassé, ni touché le peigne, que je n’avais pas approché de la plaque, et que je n’y avais pas même songé. Qu’on ne me demande pas comment ce dégât se fit: je l’ignore et ne puis le comprendre; ce que je sais très certainement, c’est que j’en étais innocent. »
Dans Les Confessions, il y a très souvent deux « je »: le « je » narré, celui qui est raconté, qui vit les évènements, et le « je » narrant, celui qui juge, qui prend du recul.
Rousseau use de la double-énonciation en quelque sorte, fait un récit introspectif avec le plus de vérité et d’objectivité possibles des événements du passé, du « Rousseau » qui fut puis tire les conséquences de ces événements sur le « Rousseau » qui est, sur son présent. Philippe Lejeune parle de « vibrato entre le passé et le présent » et dit qu’il s’agit bien d’une « création, comme aussi l’idée, révolutionnaire, d’un style qui se moulerait sur l’histoire au lieu de la mouler ».
Ce récit croisé entre le passé et le présent est un moyen très habile pour Rousseau d’expliquer la personne qu’il est devenu ou plus précisément en quoi les événements de sa vie l’on fait devenir ainsi. Le passé explique le présent.
L’épisode du peigne cassé est emblématique. Rousseau y narre une injustice dont il a été victime dans son enfance, l’accusation d’avoir été l’auteur d’un peigne cassé.
Cinquante ans plus tard, au moment où il écrit ses Confessions donc, il se justifie et réaffirme avoir été innocent.
Ce passage montre à la fois que Rousseau fut un enfant dans l’innocence et la pureté de son âge, comment cette innocence fut bafouée par les adultes et à la fois montre l’impact de cet incident sur Rousseau adulte, sa révolte contre l’injustice, l’arbitraire et le despotisme. Si l’on poussait la réflexion un peu plus avant, on pourrait établir un lien de cause à effet entre cet épisode et le philosophe politique qu’il est devenu , le philosophe des Lumières, qui s’est battu contre les injustices et l’ascendant des forts sur les plus faibles.
The Essay on Sont Comme Est Elle Qui
Dans son uv re Moderato Cantabile, Marguerite Duras utilise "l'art de la suggestion." Elle exprime beaucoup en trs peu de mots. Son cri ture est subtile et on doit ddu ire tous ce qui se passe et tous ce que les personages pendent. Duras emploi e des phrases trs courses pour donner une sorte d'urgence son rc it. Ses phrases sont simples et ils disent trs peu sur la surface. On doit examiner chaque ...
2) Nathalie Sarraute, Enfance.
Incipit.
« — Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d’enfance »… Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »… il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.
— Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi…
— C’est peut-être… est-ce que ce ne serait pas… on ne s’en rend parfois pas compte… c’est peut-être que tes forces déclinent…
— Non, je ne crois pas… du moins je ne le sens pas…
— Et pourtant ce que tu veux faire… « évoquer tes souvenirs »… est-ce que ce ne serait pas…
— Oh, je t’en prie…
— Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal…
— Oui, comme tu dis, tant bien que mal.
— Peut-être, mais c’est le seul où tu aies jamais pu vivre… celui…
— Oh, à quoi bon ? je le connais.
— Est-ce vrai ? Tu n’as vraiment pas oublié comment c’était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s’échappe… tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant… vers quoi ? qu’est-ce que c’est ? ça ne ressemble à rien… personne n’en parle… ça se dérobe, tu l’agrippes comme tu peux, tu le pousses… où ? n’importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre… Tiens, rien que d’y penser… »
L’originalité de cette « autopsie » de l’enfance de Nathalie Sarraute réside dans le dédoublement de sa voix.
Enfance est un dialogue intérieur entre Sarraute et son double. L’une raconte, se remémore des instants, des sensations, des moments particuliers et furtifs qui ont jalonné son enfance. L’autre se hisse dans la peau d’un Socrate et exerce la maïeutique sur la raconteuse (enchaînement d‘interrogations: « Est-ce vrai ? Tu n’as vraiment pas oublié comment c’était là-bas ?vers quoi ? qu’est-ce que c’est ? … »).
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... de vie, qui est unique en son genre dans un pays occidental? l? aube du XXI? si? cle. Voici les 6 caract? ristiques qui sem blent ... leur plus simple niveau.Ainsi les enfants vont dans une? cole? classe unique dont le profess eur est g? n? ralement une femme chr? tienne ... membre de la communaut? excommuni? ou puni? s? en tenor? une discipline communautaire tr? s stricte? die Treuherzigen: le probl? me ...
Le double fait un travail de commentaires, de critiques, de prise de recul par rapport aux souvenirs évoqués.
L’Œuvre de Sarraute est en rupture avec l’autobiographie classique et traditionnelle (n’omettons point qu’elle fut une figure du Nouveau Roman, à la recherche d’un nouvelle forme et esthétique littéraire).
On voit bien dès l’incipit la fonction de la seconde voix, qui est d’interroger l’écrivain qui désire « évoquer ses souvenirs d’enfance » sur ses intentions réelles et ses raisons
(« c’est peut-être que tes forces déclinent… »,« est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal… »).
La seconde voix tient en alerte l’écrivain, la teste et semble remettre en cause l’authenticité d’une telle entreprise qui consiste à recomposer le passé.
Grâce à ce système des deux voix, Sarraute déjoue les pièges ordinaires de l’autobiographie, qui sont par exemple d’être trop complaisant ou ironique avec soi-même.
III- Qui est ou sont le(s) destinataire(s)?
1) Rousseau: incipit.
« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi »
« Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. »
« Etre éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables. »
Nous voyons qu’il y a deux destinataires pour qui Rousseau écrit ses confessions.
Les premiers annoncés sont « ses semblables », donc tous les hommes sans exception et le second est Dieu, désignés par les périphrases « souverain juge » et « Etre éternel ».
Là encore, la comparaison avec Saint-Augustin est inévitable. Comme nous le disions précédemment, celui-ci écrit pour Dieu et devant Dieu avant tout, il l’apostrophe même à chaque confession afin qu’il lui pardonne ses égarements et de n’être qu’un pauvre pécheur. Puis il s’adresse en second lieu bien évidemment au genre humain, puisque ses Confessions feront l’objet d’une lecture, et pour qu’ils puissent y voir « un simple témoin de la puissance et de la bonté de Dieu » comme le dit Philippe Lejeune dans « La Révolution autobiographique ».
Chez Rousseau, il en est tout autre, et là encore il est en rupture.
Il annonce de prime abord que son premier destinataire n’est non pas Dieu, mais les hommes, et qu’il veut leur montrer « un homme dans toute la vérité de la nature », ce qui sous-entendrait que la plupart des hommes sont pervertis et corrompus par la société, et perdent ainsi leur vérité naturelle originelle. La suite nous conforte dans cette idée: « Je ne suis fais comme aucun de ceux que j’ai vu; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. »
Rousseau se démarque de ses semblables mais ne se met pas non plus au-dessus d’eux avec une condescendance outrancière (« Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre »).
Il leur écrit afin de leur montrer qu’un homme en accord avec la nature et ses lois existe (il faut savoir qu’il haïssait les mondanités, l’hypocrisie ambiante qui régnait dans les salons du XVIIIème, le privilège de l’apparence plutôt que celui du cœur; il préférait se retirer, se mettre hors de la société afin que son cœur et son âme ne puissent être atteints par la perfidie humaine).
Le « moi seul » est également un signe de détachement des autres hommes, de démarcation.
Rousseau veut faire preuve d’exceptionnalisme: il désire montrer qu’un homme comme lui existe, c’est-à-dire vivant selon la nature et la loi du cœur, puis qu’il peut se montrer dans toute la vérité de son être, sans complaisance aucune.
Passons maintenant au second destinataire: Dieu. A la différence de Saint-Augustin, Rousseau interpelle Dieu non pas pour lui confesser ses fautes ou ses péchés, mais pour qu’Il « rassemble autour de lui l’innombrable foule de ses semblables ».
Dieu est ainsi donc « instrumentalisé » comme le dit Lejeune avec un peu d’exagération. Dieu est ici un moyen dont Rousseau se sert pour qu’Il rassemble l’auditoire et pour qu’il leur montre bien que tout ce qu’il avance et raconte dans ses Confessions n’est que le fruit de la vérité et de la sincérité et également qu’en effet, il n’est pas fait comme les autres hommes.
2) Franz Kafka, Lettre au père
« Je n’ai jamais pu comprendre que tu fusses aussi totalement insensible à la souffrance et à la honte que tu pouvais m’infliger par tes propos et tes jugements. Moi aussi, je t’ai sûrement blessé plus d’une fois en paroles, mais je savais toujours que je te blessais, cela me faisait mal, je ne pouvais pas me maîtriser assez pour retenir le mot, j’étais encore en train de le prononcer que je le regrettais déjà. Tandis que toi, tu attaquais sans te soucier de rien, personne ne te faisait pitié, ni sur le moment ni après, on était absolument sans défense devant toi . »
Cette longue lettre, écrite en 1919, n’a d’autres destinataires que le père de Kafka, comme l’indique le titre. Elle est un formidable témoignage à la fois sur la relation qu’entretenait Kafka avec son père, mais également sur la personne même de l’écrivain, puisque nous découvrons dans cette lettre poignante à quel point sa personnalité et son être ont été façonnés par son rapport avec son père.
Ce passage est révélateur des intentions de Kafka de lui écrire une lettre: tout est dans le terme « comprendre ». Il a été face à un homme dont il n’a apparemment jamais compris l’attitude à son égard, qui a semblé d’une totale indifférence quant aux « jugements » et « souffrances » qu’il lui infligeait. Cet extrait , et même la lettre en général, a un caractère didactique.( « Tandis que toi, tu attaquais sans te soucier de rien, personne ne te faisait pitié, ni sur le moment ni après, on était absolument sans défense devant toi . ») Le seul but de Kafka est d’apprendre et surtout de faire comprendre à son père à quel point il a pu le faire souffrir, à quel point la haine ou l’indifférence apparentes d’un père envers son fils peut entraîner la haine de soi chez celui-ci. Kafka ne demande ni pardon ni repentance à son père . Il lui écrit juste pour qu’il « comprenne ».
Malheureusement, cette lettre ne fut jamais remise à son destinataire.
IV- Les difficultés de l’écriture de soi.
Rousseau: les paroles oubliées (Livre premier).
« L’attrait que son chant avait pour moi fut tel que non seulement plusieurs de ses chansons me sont toujours restées dans la mémoire, mais qu’il m’en revient même, aujourd’hui que je l’ai perdue, qui, totalement oubliées depuis mon enfance, se retracent à mesure que je vieillis, avec un charme que je ne puis exprimer.[…]. Il y en a surtout un qui m’est bien revenu tout entier quant à l’air; mais la seconde moitié des paroles s’est constamment refusée à tous mes efforts pour me la rappeler, quoiqu’il m’en revienne confusément les rimes
Tircis, je n’ose
Ecouter ton chalumeau
Sous l’ormeau;
Car on en cause
Déjà dans notre hameau
………………………..
……………….un berger
……….………s’engager
………….….sans danger
Et toujours l’épine est sous la rose
Cet extrait, où Rousseau nous fait part de sa peine et de son impossibilité à se remémorer certaines paroles d’une chanson que lui chantait sa tante étant enfant, est, malgré sa légèreté, révélateur et symptomatique d’une des grandes difficultés de l’écriture de soi: se souvenir, et surtout se souvenir avec le plus d’exactitude possible.
En effet, les souvenirs les plus difficiles à faire remonter à la mémoire sont ceux de l’enfance, plus nous nous projetons loin dans le passé, plus il est difficile de se souvenir avec précision et cohérence, car la mémoire est, comme disait Supervielle, « oublieuse », sélective et fragile. Ceci est largement visible dès la première phrase du second chapitre de W ou le souvenir d’enfance de Perec, où il annonce de manière brutale et surprenante, quand on sait qu’il s’agit d’un récit autobiographique, « Je n’ai aucun souvenir d’enfance », et est donc annonciatrice de la tâche laborieuse que va nécessiter le souvenir pour lui.
Il est donc surtout difficile de se rappeler des détails de l’enfance, comme cette chanson que Rousseau a tenté tant bien que mal de restituer (bien qu’il dise juste avant que plus il avance en âge plus il se souvient de paroles des chansons ).
La mémoire est au centre du projet autobiographique, l’écrivain doit réellement faire un travail, un effort (« la seconde moitié des paroles s’est constamment refusée à tous mes efforts pour me la rappeler ») pour évoquer ses souvenirs et les restituer avec justesse, car n’oublions pas que si la mémoire est au cœur de l’autobiographie, le devoir de vérité l’est tout autant, et la négligence de l’une entrave l’autre.
Bien sûr, l’oubli de ces paroles peut paraître anecdotique aux yeux du lecteur et n’est pas du même niveau d’importance que la rencontre avec Mme de Warens par exemple, pour laquelle il aurait été plus ennuyeux pour Rousseau d’avoir la mémoire lui faisant défaut. Mais il montre à quel point la difficulté de se rappeler est inhérente à l’écriture de soi, de son passé, et surtout quand il s’agit de son enfance.
Il y a également plusieurs annotations de Jean Balsamo qui nous montrent les inexactitudes, les erreurs, chronologiques la plupart du temps, qu’a fait Rousseau et qui révèlent à quel point la mémoire peut nous échapper.
2) Primo Levi, Si c’est un homme.
« Je suis conscient des défauts de structure de ce livre, et j’en demande pardon au lecteur. En fait, celui-ci était déjà écrit, sinon en acte, du moins en intention et en pensée dès l’époque du Lager. Le besoin de raconter aux « autres », de faire participer les « autres », avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la violence d’une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires; c’est pour répondre à un tel besoin que j’ai écrit mon livre; c’est avant tout en vue d’une libération intérieure. De là son caractère fragmentaire: les chapitres en ont été rédigés non pas selon un déroulement logique, mais par ordre d’urgence. Le travail de liaison, de fusion, selon un plan déterminé, n’est intervenu qu’après. »
Le XXème siècle est celui des génocides et des camps: génocide arménien, génocide juif (et également homosexuel, tsigane, communiste, handicapé), goulags, génocide rwandais. Ces tragédies de l’Histoire ont bien sûr engendré un besoin irrépressible de témoigner de la part des survivants, du moins de ceux qui en étaient, qui s’en sentaient capables, car là n’est pas tâche facile de s’atteler à raconter l’horreur, la barbarie humaine, l’ineffable.
Parmi les témoignages littéraires les plus fameux, citons La Nuit d’Elie Wiesel concernant la Shoah, Margarete Buber-Neumann avec sa double déportation, l’une en Sibérie l’autre dans le camp de Ravensbrück ou encore L’Archipel du goulag de Soljenitsyne puis enfin le non moins célèbre Si c’est un homme de Primo Levi.
Dans cet extrait, l’incipit de Si c’est un homme, Levi s’adresse directement au lecteur en s’excusant du « caractère fragmentaire » de son livre car les chapitres n’y ont point été « rédigés selon un ordre logique mais par « ordre d’urgence ». La difficulté de témoigner de l’horreur, de ce que la philosophe politique Hannah Arendt a appelé « la banalité du mal » est ici bien palpable. Primo Levi se plaint et s’excuse ici de la forme de son livre, mais qui rejoint de manière implicite irrémédiablement le fond: en effet, il est bien difficile d’écrire sur ce qui a été vu et vécu par lui dans les camps de la mort de manière parfaitement chronologique et claire puisqu’il s’agit d’une urgence, d’ « une impulsion immédiate », en vue d’une « libération intérieure ». Mais le plus difficile pour un témoignant, c’est de mettre ses affects de côté ou en tout cas de les maîtriser, car raconter et surtout par le biais de l’écriture (l’oral ayant un caractère éphémère), c’est revivre une seconde fois les atrocités. Il ne suffit pas juste que le récit paraisse vrai, mais vraisemblable.
V- Le rapport de soi à soi
1) Rousseau et son caractère cyclothymique (Livre premier)
« J’ai des passions très ardentes, et tandis qu’elles m’agitent, rien égale mon impétuosité: je ne connais plus ni ménagement, ni respect, ni crainte, ni bienséance; je suis cynique, effronté, violent, intrépide; il n’y a ni honte qui m’arrête, ni danger qui m’effraye: hors le seul objet qui m’occupe, l’univers n’est plus rien pour moi. Mais tout cela ne dure qu’un moment, et le moment qui me suit me jette dans l’anéantissement.
Prenez-moi dans le calme, je suis l’indolence et la timidité même: tout m’effarouche, tout me rebute; une mouche en volant me fait peur; un mot à dire, un geste à faire épouvante ma paresse; la crainte et la honte me subjuguent à tel point que je voudrais m’éclipser aux yeux de tous les mortels. S’il faut agir, je ne sais que faire; s’il faut parler, je ne sais que dire; si l’on me regarde, je suis décontenancé. Quand je me passionne, je sais trouver quelquefois ce que j’ai à dire; mais dans les entretiens ordinaires, je ne trouve rien, rien du tout; ils me sont insupportables par cela seul que je suis obligé de parler. »
Rousseau fait ici référence à l’instabilité d’état dont est sujet son esprit.
On l’a souvent considéré comme un être prétentieux et imbu de lui-même, notamment à la lecture de l’incipit (« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur »).
On pourrait se dire, de manière quelque peu simpliste, que Rousseau est fait d’une arrogance, d’une supériorité autoproclamée.
On peut donc, dans cette optique, être très surpris et décontenancé par la lecture de ce texte, où l’on y voit le grand philosophe dans toute la vérité de son âme, et qui entretient un rapport complexe et mitigé avec lui-même.
Au-delà de lucidité et de la vérité dont il fait preuve, Rousseau utilise des termes très forts qui montrent en réalité le peu de confiance qu’il a en lui (« …la crainte et la honte me subjuguent à tel point que je voudrais m’éclipser aux yeux de tous mes mortels »), un homme très peu habile et sûr de lui en société (« …dans les entretiens ordinaires, je ne trouve rien à dire).
On voit là un « Rousseau » qui ne se contrôle pas, dominé par des passions, craintif, angoissé et loin de l’assurance d’un grand rhétoricien.
2) Virginia Woolf, extraits de son Journal.
« Il est vrai , peut-être, que ma réputation ira désormais en déclinant. On me tournera en ridicule, on me montrera du doigt. Quelle devra être mon attitude? »
« Si seulement je pouvais m’oublier moi-même, complètement, mes critiques, ma renommée… »
Lorsque que l’on prononce le nom du grand auteur que fut Virginia Woolf, on pense immédiatement aux souffrances, à la dépression et la folie dans lesquelles elle était plongée, bien qu’elle ait été malheureusement parfois réduite, ainsi que son œuvre, à cela. Ecrire pour elle était, comme tout écrivain, un besoin, mais également une véritable souffrance, tout comme Beckett. L’écriture la poussait jusqu’à l’épuisement et aux tourments.
Bien évidemment, à partir de là, il est évident qu’elle avait une très basse estime d’elle-même, malgré son intelligence et son talent, à la fois et surtout comme écrivain, mais également comme essayiste (Une Chambre à soi) et critique littéraire.
Ces deux extraits de son Journal, écrits aux alentours de 1932, sont une esquisse de l’image qu’elle avait d’elle-même en tant qu’auteur et qu’elle craignait de renvoyer aux critiques, ainsi que le rapport tourmenté et de véritable souffrance face au succès.
En effet, Woolf redoutait viscéralement les critiques, les jugements et vivait mal la reconnaissance, qu’elle voulait garder mais sentait également qu’il lui restait encore à l’atteindre. On voit qu’elle avait très peu de confiance et de croyance en son talent (« On me tournera en ridicule, on me montrera du doigt. ») et surtout la piètre image qu’elle avait d’elle-même, au point de vouloir « s’oublier ».